Les cancers qui touchent le plus les hommes en Seine-Saint-Denis : panorama local

Les données de Santé Publique France montrent que chez les hommes du département, plusieurs types de cancers sont particulièrement fréquents :

  • Cancer de la prostate
  • Cancer du poumon
  • Cancer colorectal (côlon et rectum)
  • Cancer des voies urinaires (vessie, testicules)

Ajoutons que la Seine-Saint-Denis, département jeune, multiculturel et confronté à une forte précarité, fait face à des défis spécifiques concernant l’accès à l’information et aux soins – qui influencent le recours au dépistage.

Selon les chiffres de l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France de 2022, le 93 affiche une incidence du cancer de la prostate légèrement inférieure à la moyenne nationale mais une mortalité supérieure, signalant des diagnostics plus tardifs (ORS Île-de-France).

Détecter tôt le cancer de la prostate : quand commencer et avec quels outils ?

Le cancer de la prostate est le plus fréquent chez l’homme après 50 ans. En France, il représente jusqu’à 25 % de l’ensemble des nouveaux cas masculins détectés chaque année. Cependant, il n’existe pas de programme de dépistage systématique de masse, comme c’est le cas pour le cancer du sein ou colorectal. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande un dialogue individuel, notamment à partir de 50 ans, ou plus tôt en cas d’antécédents familiaux (HAS, recommandations 2021).

  • À partir de 50 ans (voire dès 45 ans si antécédents familiaux ou origine africaine subsaharienne, où le risque est plus important).
  • Dépistage opportuniste : il repose sur le toucher rectal et, si besoin, sur un dosage sanguin du PSA (antigène spécifique de la prostate).
  • Évaluation personnalisée du risque lors d’une consultation chez le médecin traitant.

En Seine-Saint-Denis, comme partout ailleurs, c’est souvent lors d’une consultation pour un autre motif qu'un dépistage est proposé. Il s’agit donc d’un acte à ne pas négliger, surtout en présence de facteurs de risque.

Le cancer colorectal : un enjeu croissant chez les hommes, même jeunes

Le cancer colorectal (côlon et rectum) est le troisième cancer le plus fréquent chez l'homme. Si sa fréquence augmente à partir de 50 ans, des cas chez des hommes plus jeunes, notamment en présence de polypose familiale ou de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, existent (source : Institut National du Cancer (INCa)).

  • En France, l’âge moyen au diagnostic est de 71 ans, mais près de 8 % des cas concernent des personnes de moins de 50 ans.
  • En Seine-Saint-Denis, le taux de participation au dépistage colorectal est inférieur à 25 %, contre 33 % au niveau national (Santé Publique France).

La méthode privilégiée reste le test immunologique (recherche de sang occulte dans les selles), proposé tous les deux ans dès 50 ans.

  • Test rapide à domicile, à demander à son médecin traitant ou en pharmacie.
  • Coloscopie si antécédents familiaux, symptômes, ou test positif.

La détection précoce est d’autant plus essentielle dans un contexte où les formes précoces restent souvent silencieuses.

Surveiller sa santé urologique : détecter les cancers des testicules et de la vessie

Comment détecter un cancer du testicule ?

Le cancer du testicule touche principalement les hommes jeunes, entre 15 et 35 ans. Bien que rare, il est en augmentation et surtout lorsqu’il est découvert tôt, il se guérit dans 95 % des cas.

  • Absence de programme de dépistage organisé, mais l’autopalpation régulière est recommandée à tout âge.
  • La présence d’une boule indolore ou d’une modification du testicule doit amener à consulter rapidement.
  • L’examen médical est complété par une échographie testiculaire si le médecin le juge nécessaire.

Quels signes doivent alerter pour un cancer urologique ?

Au-delà du testicule, d’autres signes doivent pousser à consulter, notamment pour la prostate et la vessie :

  • Présence de sang dans les urines
  • Douleurs ou difficultés à uriner
  • Masse, gonflement ou douleur persistante dans la zone génitale
  • Mictions trop fréquentes ou urgence

Certains hommes, par gêne ou par manque d’information, minimisent l’importance de ces symptômes. Les hommes les plus exposés au risque de cancer urologique (fumeurs, antécédents familiaux, exposition professionnelle à certains produits chimiques) devraient être vigilants sur leur santé urinaire.

Le cancer du poumon chez les hommes en Seine-Saint-Denis : quelles causes et quelles pistes pour le prévenir ?

Le cancer du poumon est la deuxième cause de décès par cancer chez l’homme en Seine-Saint-Denis. Ce territoire est exposé à plusieurs facteurs aggravants :

  • Tabagisme : Plus de 30 % des hommes du 93 fument quotidiennement, nettement supérieur à la moyenne nationale chez les 18-35 ans (INSEE).
  • Pollution urbaine et exposition professionnelle à des substances cancérigènes (chantiers, transport, nettoyage, etc.).

Actuellement, il n’existe pas de dépistage organisé pour le cancer du poumon en France. Les recommandations sont centrées sur l’arrêt du tabac et la prévention des expositions. Depuis 2023, des programmes pilotes de dépistage ciblé par scanner sont en cours pour les personnes à très haut risque (fumeurs ou ex-fumeurs âgés de 50 à 74 ans, voir INCa).

  • Symptômes d’alerte : toux persistante, essoufflement, douleur thoracique, voix rauque, perte de poids inexpliquée.
  • Consultation rapide en cas de facteurs de risque ou de symptômes nouveaux.

Le diagnostic précoce reste difficile, d’où l’importance d’informer continuellement sur les risques, et de soutenir l’aide à l’arrêt du tabac.

Accéder au dépistage dans le 93 : quelles solutions en cas de précarité ou de difficultés d’accès ?

En Seine-Saint-Denis, plus d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, accentuant les barrières à la prévention. Pourtant, des dispositifs locaux existent :

  • Centres de santé municipaux : consultations de prévention gratuites ou à tarif adapté, information et relais vers les examens de dépistage.
  • Dispositifs itinérants : camions de dépistage, campagnes « aller-vers » dans les quartiers prioritaires (ADOC 93).
  • CMU-C et Aide médicale d’État (AME) : permettant la gratuité des soins et des examens de dépistage.
  • Réseaux associatifs et médiation en santé : Accompagnement personnalisé pour lever les freins liés à la langue, à la compréhension, ou à l’appréhension du système de santé.

Toute personne, sans condition de nationalité ou de couverture sociale pleine, peut accéder au dépistage, notamment par le biais des permanences d’accès aux soins (PASS) présentes dans les hôpitaux du 93.

Dépister les hommes « invisibles » : comment sensibiliser ceux qui ne consultent presque jamais ?

Les hommes sont nombreux à retarder le moment d’aller chez le médecin, par crainte, par pudeur ou parce qu’ils se sentent globalement bien. Pour toucher ces « invisibles », plusieurs approches sont possibles :

  • Formations de pairs : sensibilisation sur les lieux de travail, clubs sportifs, lieux de vie.
  • Communication adaptée : affiches, brochures, spots radios ou réseaux sociaux utilisants des messages clairs, pratiques et non culpabilisants.
  • Consultations sans rendez-vous dans certains centres municipaux, facilitant un premier contact.
  • Rôle clé du pharmacien et de l’infirmier de quartier pour évoquer simplement le sujet lors de passages « anodins » (vaccination, petit bobo…)

Valoriser la santé masculine et rappeler que certains examens sont simples et rapides permet de rendre la démarche moins impressionnante pour beaucoup.

Informer les hommes sur les risques de cancer : où en est-on et quelles pistes pour progresser ?

Plusieurs études françaises montrent que l’information sur les cancers masculins reste encore très perfectible : ainsi, une enquête réalisée dans le Grand Paris en 2023 révèle que moins de 40 % des hommes interrogés connaissent l’existence du dépistage du cancer colorectal, et que moins d’un tiers savent repérer les signes d’alerte du cancer du testicule (source : Observatoire régional de santé Grand Paris 2023).

Les freins à l’information sont multiples :

  • Barrière linguistique et culturelle ;
  • Absence de campagne ciblée lors du Mois Sans Tabac ou d’Octobre Rose, centrées surtout sur les femmes ;
  • Stigmatisation et idées reçues ("ça n’arrive qu’aux autres", "cela ne se soigne pas", "les examens sont trop compliqués ou à risque") ;
  • Manque de formation de certains professionnels pour aborder ces sujets de façon adaptée.

Favoriser une communication claire, en lien avec les structures de proximité (centres sociaux, éducateurs, référents associatifs), et proposer des événements dédiés aux hommes, sont des pistes concrètes en cours d’expérimentation.

Campagnes et actions locales en Seine-Saint-Denis : des initiatives naissantes et prometteuses

Il n’existe pas encore de campagne de dépistage nationale spécifiquement dédiée aux hommes. Toutefois, plusieurs actions sont menées régulièrement sur le territoire :

  • Journées de santé masculine dans les communes de Saint-Denis, Montreuil, Aubervilliers : informations, stands dépistage testiculaire et consultations sans rendez-vous.
  • Mois Sans Tabac : dispositifs locaux renforcés dans les maisons de quartier et entreprises sur la thématique du poumon.
  • Médiateurs de santé (associations, Croix-Rouge, ADOC 93) : organisation de groupes d'échange dans plusieurs langues sur le « bien vieillir » et la prévention des cancers.

En 2022, le Département s’est engagé à renforcer l’ensemble de ces solutions par le biais d’accords avec les hôpitaux et les collectivités, afin d’augmenter la participation masculine au dépistage, avec une attention particulière aux plus vulnérables.

Les hommes en EHPAD et le dépistage : quels enjeux ?

Les résidents d’EHPAD de Seine-Saint-Denis sont majoritairement âgés, poly-pathologiques, et souvent en situation de vulnérabilité. Pour eux, le dépistage systématique n’a plus d’intérêt : la priorisation est donnée à la qualité de vie et au confort.

  • Le dépistage individuel peut être envisagé après discussion collégiale (médecin, résident, famille, équipe soignante) s’il peut changer la prise en charge et préserver l’autonomie.
  • Dans la majorité des cas, on privilégie la surveillance des symptômes (douleur, saignement, troubles urinaires) plutôt qu’un dépistage systématique.

Le rôle de l’équipe médico-sociale est alors d’informer avec tact et de recentrer le projet de soins sur le confort et l’empathie.

Vers une meilleure prévention et un diagnostic plus précoce des cancers masculins en Seine-Saint-Denis

Agir tôt, c’est augmenter ses chances. Pourtant, à l’échelle du département, les obstacles sont encore trop nombreux : précarité, manque d’information, représentation négative de la « santé au masculin ». La mobilisation des professionnels, des collectivités et des habitants eux-mêmes reste essentielle pour faire progresser la prévention et le dépistage. Oser en parler, se renseigner, briser les tabous : ce sont les premiers pas pour faire reculer la mortalité liée au cancer chez les hommes en Seine-Saint-Denis, et ailleurs.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter les ressources référencées dans cet article, à discuter avec votre médecin ou infirmier de quartier, et à interpeller les structures de santé de proximité. Un simple dialogue aujourd’hui peut sauver une vie demain.

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