Lorsque le soupçon s’installe : l’épreuve du dépistage pour l’enfant et sa famille

L’annonce d’un possible cancer chez un enfant bouleverse instantanément toute une famille. L’incertitude, les questions, l’attente… Chaque étape du dépistage peut s’avérer douloureuse, qu’il aboutisse ou non à un diagnostic de cancer. En Seine-Saint-Denis (93), contexte social, diversité des situations familiales et inégalités de santé compliquent encore le parcours. Dans ce moment critique, l’accompagnement doit être adapté, humain, informé et structuré.

Chaque année en France, environ 2500 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chez les moins de 18 ans (Institut National du Cancer – INCa). Mais, pour beaucoup de familles, l’attente avant le diagnostic (ou son exclusion) est une épreuve en soi. Comment accompagner cette période clé ? Sur quels dispositifs locaux peut-on s’appuyer dans le 93 ? Faisons le point.

Comprendre l’expérience des familles en Seine-Saint-Denis

Un contexte particulier : vulnérabilité sociale et défi d’accès au soin

La Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France métropolitaine, mais aussi l’un des plus touchés par la précarité. On y recense un taux de pauvreté autour de 28% (contre 14% en France – INSEE), une part élevée de familles monoparentales et des parcours migratoires parfois complexes. Ces facteurs influencent fortement l’accès aux soins spécialisés et à l’information médicale.

C’est aussi un territoire où la défiance envers certains dispositifs institutionnels est parfois marquée, faute d’information claire et de relais de confiance. Lorsqu’un professionnel de santé, qu’il soit médecin de PMI, généraliste ou pédiatre, suspecte un cancer chez un enfant, il doit annoncer une situation sans certitude, mais lourde d’inquiétude. Pour les familles, sans soutien et médiation adaptés, le risque est un isolement aggravé, une dégradation du lien aux soins ou un retard de prise en charge.

L’annonce d’un dépistage suspect : quelles réactions parentales ?

  • Choc et angoisse : L’évocation du cancer, même en cas de suspicion, bouscule. Peur de perdre son enfant, d’une prise en charge lourde, de conséquences pour la fratrie et la famille entière…
  • Sentiment d’impuissance et de solitude : Selon les études de la Ligue contre le cancer, 6 parents sur 10 décrivent l’attente comme la période « la plus difficile » du parcours oncologique.
  • Questions multiples et tendances à la culpabilité : Ai-je fait une erreur ? Aurait-on pu repérer la maladie plus tôt ? Dois-je en parler à l’école, aux proches ?
  • Défi de la communication familiale : Comment protéger l’enfant, continuer d’être parent tout en gérant sa propre détresse ?

Informer, soutenir, orienter : clés d’un accompagnement réussi

Informer avec clarté et humanité

L’information, lorsqu’elle est claire, répétée, adaptée à la langue et au niveau de compréhension des familles, joue un rôle central. Privilégier :

  • Des explications simples, sans minimiser, ni dramatiser
  • Un temps pour poser toutes les questions
  • L’utilisation d’interprètes pour les familles non francophones : La Maison des langues et des cultures de Saint-Denis, par exemple, propose des relais.
  • Des supports adaptés (brochures UNICANCER, ressources en ligne de la plateforme Aplomb 93, etc.)

Soutenir psychologiquement : premiers relais

Les professionnels de santé (infirmiers scolaires, médecins traitants) sont souvent les premiers repères. À ce stade :

  • Proposer systématiquement une orientation vers un soutien psychologique, même en cas d’incertitude diagnostique. Plusieurs associations, comme Enfance et Cancer, proposent des permanences téléphoniques gratuites.
  • Informer sur la présence de psychologues dans certaines Maisons de Santé Pluridisciplinaires ou dans les Centres Municipaux de Santé du 93.

Orienter vers les solutions adaptées

La rapidité d’accès à un centre spécialisé est un facteur de soulagement : en Seine-Saint-Denis, les familles doivent être orientées, dès la suspicion, vers les réseaux de soins adaptés, tels que le service d’oncologie pédiatrique de l’Institut Curie, les hôpitaux universitaires du secteur ou l’Hôpital Robert Debré.

  • Mettre en relation directe avec le secrétariat médical ou les centres de coordination (ex. Gustave Roussy – enfant et adolescent).
  • Veiller à ce que la famille dispose de la liste des documents et examens à préparer pour accélérer la prise en charge.

Spécificités du parcours : enfants, familles et territoire 93

Le défi du déplacement et de l’accompagnement

En Seine-Saint-Denis, plus d’une famille sur quatre n’a pas ou peu accès à une voiture (source : Insee 2021). De nombreux centres de référence sont à Paris ou dans le sud du département : parfois jusqu’à 1h de trajet en transports avec un enfant malade. Il est donc essentiel :

  • D’aider à organiser les transports, notamment via le service d’Aide médicale de transport (Assurance Maladie)
  • D’informer sur les dispositifs d’accompagnement, comme l’Association Petits Princes ou LOUDA, qui peuvent épauler pour les démarches (hébergement, déplacements, démarches sociales…)

Les familles isolées ou précaires : prévenir la perte de chance

  • Certains parents, notamment en situation irrégulière ou sans médecin traitant, peuvent craindre d’être stigmatisés ou de perdre la garde de leur enfant en cas d’hospitalisation.
  • Il faut lever ces craintes, rappeler le secret médical et aider à faire valoir les droits (CMU, AME, aides CAF…)
  • L’accès à un médiateur santé local (Ministère de la Santé, médiateurs santé) s’avère précieux pour renouer avec le parcours de soins.

Ressources clés et relais associatifs en Seine-Saint-Denis

Dispositif/association Mission Contact/localisation
AP-HP Coordination Oncopédiatrique Accueil, premiers examens, relais vers spécialistes Hôpital Robert Debré, Paris 19e
Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) Aides sociales, accompagnement familial Bobigny, + antennes décentralisées
La Maison des Parents (Fondation Ronald McDonald) Hébergements proches des hôpitaux pour familles Villejuif, près de Gustave Roussy
Ligue contre le cancer – Comité 93 Soutien, informations, groupes de parole www.ligue-cancer.net/cd93
Plateforme Aplomb 93 Médiation, accompagnement santé, interprétariat Seine-Saint-Denis

Agir aussi avec les structures scolaires et de quartier

Le rôle de l’école est parfois sous-estimé lors d’un dépistage suspect. L’infirmier·e scolaire, l’assistant·e social·e et les groupes de parents du quartier, peuvent jouer un rôle d’information et de repérage :

  • Soutenir la famille dans la gestion du retour ou de l’absence en classe de l’enfant
  • Informer sur la scolarisation adaptée (SAPAD, CNED accès prioritaire pour enfants malades – Ministère Education nationale)
  • Identifier, si besoin, un référent « santé » de proximité pour faciliter la circulation d’informations adaptées à l’enfant

Prendre soin de la fratrie et rompre l’isolement

La tendance naturelle des familles, face à un tel choc, est de prioriser l’enfant malade. Mais la fratrie, elle aussi, vit un déferlement d’inquiétudes et de bouleversements dans la vie quotidienne. Diverses associations, tels que Bises de clowns, interviennent à domicile ou à l’hôpital pour proposer du soutien psychologique et des temps d’échanges ludiques, parfois même en Seine-Saint-Denis.

La famille peut être accompagnée pour :

  • Préserver un temps dédié à chacun des enfants
  • Proposer, si besoin, le recours aux professionnels relais : animateurs de quartier, travailleurs sociaux, psychologues du secteur

Favoriser le lien avec les équipes médicales : mieux comprendre pour mieux avancer

Les familles rapportent souvent un sentiment de « ne rien comprendre » aux explications médicales, d’où la nécessité d’insister sur :

  1. La délivrance d’un document écrit, même court, résumant la situation, les examens à venir, les contacts référents
  2. La désignation d’un professionnel « référent » (médecin ou infirmier coordinateur) pour faire le lien entre les différents spécialistes
  3. L’accès, chaque fois que possible, à une ligne téléphonique dédiée pour poser des questions entre les rendez-vous (Soutien téléphonique en cancérologie pédiatrique – Institut Curie)

Avancer malgré l’attente : s’appuyer sur le collectif

Attendre un diagnostic est toujours pénible. Mais la Seine-Saint-Denis regorge d’initiatives solidaires : groupes de soutien parents (Facebook, associations locales comme Parent 93), permanences d’écoute dans les Maisons de quartier, interventions bénévoles en soutien à la famille. S’appuyer sur ce tissu solidaire, c’est aussi relier la famille à une dynamique collective qui peut transformer une période de vulnérabilité en moment de force partagée.

Pour aller plus loin

Accompagner une suspicion de cancer chez l’enfant implique d’agir sur plusieurs fronts : informer, soutenir psychologiquement, guider dans les démarches, valoriser la solidarité. C’est ainsi que, même dans l’épreuve, les familles de Seine-Saint-Denis pourront affronter cette attente douloureuse avec plus de ressources, et moins d’isolement.

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