Un enjeu invisible : les cancers de l’enfant en Seine-Saint-Denis

Derrière le mot « cancer », on pense souvent aux adultes, rarement aux enfants. Pourtant, en France, chaque année, près de 2 500 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez les moins de 18 ans (Institut National du Cancer – INCa). La Seine-Saint-Denis, jeune, dynamique, mais confrontée à des défis socio-économiques, est particulièrement concernée. Ici, le retard de diagnostic pèse doublement : il retarde la prise en charge médicale et accentue les inégalités d’accès aux soins.

Chaque famille peut un jour être touchée. Repérer tôt, c’est donner les meilleures chances de guérison. Mais quels sont les cancers pédiatriques à surveiller et comment, localement, sensibiliser au dépistage précoce ?

Quels sont les cancers pédiatriques les plus fréquents ?

Les cancers chez l’enfant ne sont pas les mêmes que chez l’adulte. Leurs manifestations, leurs causes et leur évolution diffèrent, rendant la vigilance parfois plus difficile. En France, trois types de cancers représentent près de 80 % des diagnostics en pédiatrie :

  • Les leucémies aiguës (notamment la leucémie lymphoblastique aiguë – LAL)
  • Les tumeurs cérébrales
  • Les lymphomes (hodgkiniens et non-hodgkiniens)

D’autres cancers existent (neuroblastome, tumeurs osseuses – ostéosarcome et sarcome d’Ewing, néphroblastome…), mais ils sont plus rares.

Chiffres clés en Seine-Saint-Denis et en France

  • En Île-de-France, environ 450 enfants et adolescents sont touchés chaque année par un cancer (Registre national des cancers de l’enfant).
  • La leucémie est le cancer le plus fréquent, représentant près de 30 % des cancers pédiatriques.
  • La Seine-Saint-Denis, avec près de 600 000 enfants et adolescents, compte parmi les départements où l’accès rapide au diagnostic reste un défi, en raison du tissu démographique et social.

Repérer les symptômes : les premiers signaux d’alerte à ne pas ignorer

Un des principaux obstacles au dépistage précoce réside dans la spécificité des symptômes chez l’enfant. Ceux-ci sont souvent non spécifiques, peuvent ressembler à des maladies bénignes (infections virales, traumatismes…) et varient selon l’âge et le type de cancer.

Signaux à observer (liste non exhaustive) :

  • Fatigue persistante et inhabituelle
  • Pâleur ou saignements répétés (notamment nez, gencives – possible pour les leucémies)
  • Fièvres prolongées, sans explication
  • Douleurs osseuses ou articulaires inexpliquées, marches inhabituelles
  • Perte d’appétit et amaigrissement rapide
  • Maux de tête persistants (notamment le matin, parfois accompagnés de vomissements) – suspecter une tumeur cérébrale
  • Apparition d'une masse ou d’une boule anormale (au cou, à l’abdomen, ailleurs)
  • Gonflement des ganglions
  • Altération du comportement (repli, tristesse inexpliquée)

Attention : Ces symptômes pris isolément sont rarement le signe d’un cancer, mais leur persistance ou leur combinaison doit alerter et amener à consulter. Un signal d’alerte chez un enfant, c’est d’abord de ne pas banaliser ce qui persiste ou inquiète.

Dépistage précoce : quels moyens pour quelles réalités ?

Contrairement aux cancers de l’adulte (sein, colon, prostate…), il n’existe pas de programme de dépistage systématique pour les cancers pédiatriques. Le repérage repose surtout :

  • Sur la vigilance parentale et l’écoute
  • Sur l’évaluation du médecin traitant (pédiatre, généraliste)
  • Sur les bilans de santé scolaire

En Seine-Saint-Denis, l’accès au médecin traitant peut être compliqué pour certaines familles. Cela renforce le rôle des bilans de santé réalisés par la Protection Maternelle et Infantile (PMI) et la médecine scolaire : plus de 70 % des enfants sont vus lors d’un bilan entre 4 et 6 ans (ARS Île-de-France). En cas de doute, ces professionnels peuvent orienter rapidement vers un centre pluridisciplinaire ou un hôpital adapté (AP-HP, Robert-Debré, Jean-Verdier…).

L’importance de la formation locale des professionnels

Dans des zones comme la Seine-Saint-Denis, la diversité linguistique et culturelle peut rendre l’expression des symptômes moins directe. Les professionnels de santé, les enseignants, voire les éducateurs, jouent un rôle primordial. Depuis plusieurs années, des programmes de formation (par l’INCa, différentes associations et les CHU) visent à mieux repérer ces signaux faibles.

Accès au diagnostic : qui fait quoi dans le parcours de soins ?

Dès qu’un cancer est suspecté, l’enfant est orienté vers des centres de référence en oncologie pédiatrique. En Île-de-France, l’hôpital Robert-Debré (Paris 19e) et l’hôpital Jean-Verdier (Bondy), engagés dans le réseau d’onco-pédiatrie d’Île-de-France (ROPIF), représentent les points de contact majeurs pour le département.

  • Le médecin traitant fait le lien entre l’enfant, la famille et l’hôpital.
  • Les délais pour la réalisation des examens (prise de sang, imagerie) sont priorisés pour les suspicions de cancer.
  • Des assistantes sociales, psychologues et associations (Imagine For Margo, L’Envol, etc.) soutiennent les familles.

La rapidité de la prise en charge dépend aussi de la réactivité du réseau médical : informer clairement et rapidement, c’est essentiel, surtout dans un territoire marqué par les difficultés d’accès aux soins (Santé Publique France).

Pourquoi un diagnostic précoce change tout ?

En cancérologie pédiatrique, le temps est un allié précieux : les chances de guérison dépassent 80 %, tous cancers confondus, si la maladie est prise en charge à temps (INCa). Cependant, plus le diagnostic est retardé, plus les traitements sont lourds et les séquelles potentielles importantes.

  • Pour les leucémies aiguës, la survie à 5 ans dépasse 85 % avec un diagnostic précoce.
  • Pour certains lymphomes, la survie atteint 90 %.
  • Les tumeurs cérébrales dépendent beaucoup du type, mais le pronostic est meilleur si la détection est rapide.

La Seine-Saint-Denis a enregistré, selon les dernières études, un léger retard diagnostique par rapport à la moyenne nationale, mais la dynamique s’améliore grâce à la mobilisation des réseaux de soins et à la sensibilisation.

Aider les familles : informations pratiques et ressources locales

Comment faciliter la vigilance et l’accès à l’information en Seine-Saint-Denis ? Certaines initiatives méritent d’être citées :

  • Centres de PMI : ouverts à tous, ils sont souvent la première porte pour évoquer un doute ou obtenir un rendez-vous.
  • Hôpitaux de proximité : de nombreux établissements disposent de cellules d’écoute sociale et d’accompagnement aux démarches.
  • Lignes d’accompagnement : La Ligue contre le cancer, Solidhop, Collectif « Cancer Respect 93 », proposent écoute et orientation.

De nombreux dispositifs visent à réduire les inégalités : médiateurs santé, ateliers d’information dans les mairies ou écoles, guides multilingues. Dans un département où 1 enfant sur 4 vit sous le seuil de pauvreté (INSEE), l’information doit atteindre tous les foyers, sans préjugés et sans tabou.

Mieux repérer, c’est mieux protéger : la prévention, un enjeu collectif

Il n’existe pas de « prévention » du cancer de l’enfant au sens strict, car la plupart ne sont pas liés à des facteurs de risque évitables. Mais tout se joue dans la capacité du territoire à repérer, informer et accompagner :

  • Sensibiliser tous les adultes à l’importance de ne jamais banaliser un symptôme persistant chez un enfant
  • Multiplier les relais d’information (médecins, écoles, associations locales)
  • Former les acteurs de première ligne, y compris hors du champ médical, à alerter lorsqu’un doute persiste

Des campagnes comme « Childhood Cancer Awareness Month » sont portées aussi en Seine-Saint-Denis. En 2023, plus de 900 enfants du département ont été sensibilisés grâce à des actions à l’école et au centre social (Ville de Saint-Denis).

Où trouver de l’aide et de l’information fiable ?

  • Institut National du Cancer (INCa) : www.e-cancer.fr
  • Hôpital Robert-Debré (Paris) : service d’oncologie pédiatrique
  • Ligue contre le Cancer (Seine-Saint-Denis) : aide psychologique, informations pratiques
  • Centres de PMI et municipalités du 93

Aucun parent ne doit rester seul avec ses doutes. Partager ses inquiétudes, c’est déjà agir.

Vers une vigilance partagée, pour offrir toutes les chances aux enfants du 93

Le cancer pédiatrique n’est pas une fatalité si chacun reste attentif aux signes, s’appuie sur le maillage local et prend le temps d’écouter. Parce qu’en Seine-Saint-Denis, la jeunesse est une force, mais aussi une priorité collective. Améliorer le dépistage, c’est offrir à chaque enfant les meilleures chances de grandir, de guérir, et de poursuivre pleinement son histoire.

En savoir plus à ce sujet :