Un dépistage organisé chez l’enfant : mythe ou réalité ?

En France, le terme « dépistage » évoque souvent les campagnes systématiques proposées à l’ensemble d’une population à risque, comme la mammographie pour le cancer du sein ou la recherche de sang dans les selles pour le cancer colorectal. Mais qu’en est-il pour les cancers pédiatriques, c’est-à-dire ceux qui touchent les moins de 18 ans, ici en Seine-Saint-Denis ?

À l’heure actuelle, il n’existe aucun programme national de dépistage généralisé des cancers chez l’enfant, ni en France ni dans aucun pays européen. Contrairement à certaines pathologies de l’adulte, les cancers de l’enfant sont rares et présentent peu, voire pas, de facteurs de risque individuels clairement identifiés permettant un dépistage de masse. Les modalités de détection sont donc avant tout cliniques : elles reposent sur la vigilance des parents, des proches, et des professionnels de santé au quotidien.

Chiffres-clés et spécificités des cancers pédiatriques

Les cancers de l’enfant sont heureusement rares, représentant environ 1% de l’ensemble des cancers en France. Chaque année, 2500 nouveaux cas sont diagnostiqués chez les enfants et adolescents de moins de 18 ans (INCa - Institut National du Cancer).

  • Les plus fréquents chez les moins de 15 ans :
    • Leucémies (environ 30%)
    • Tumeurs du système nerveux central (25%)
    • Lymphomes (12%)
  • Chez les adolescents : évolution du profil avec plus de tumeurs osseuses et de lymphomes.
  • Survie : Grâce aux progrès des traitements, elle approche aujourd’hui 80% à 5 ans après le diagnostic, mais certains types restent de pronostic plus réservé.

En Seine-Saint-Denis, où le département compte près de 400 000 jeunes de moins de 20 ans (Insee 2021), plusieurs dizaines de familles sont concernées chaque année par un diagnostic de cancer pédiatrique.

Pourquoi il n’existe pas de dépistage systématique chez l’enfant ?

Trois éléments principaux expliquent l’absence de dépistage organisé :

  1. Rareté et diversité des cancers pédiatriques : Les cancers chez l’enfant sont beaucoup plus divers que chez l’adulte et n’évoluent pas à partir de lésions précancéreuses détectables facilement.
  2. Absence de facteurs de risque individuels modifiables : La majorité des cancers de l’enfant n’est pas liée, pour l’instant, à des causes environnementales clairement identifiées (au contraire des cancers du poumon, par exemple). La génétique joue un rôle dans une faible proportion des cas.
  3. Inefficacité démontrée du dépistage de masse : Les rares tentatives d’identification précoce via des bilans sanguins ou urinaires n’ont pas permis, à ce jour, d’obtenir un gain en termes de survie globale ou de diminution de la morbidité (Encyclopédie Orphanet, Recommandations HAS).

Dès lors, la stratégie retenue, y compris en Seine-Saint-Denis, repose surtout sur la détection précoce des signes d’alerte lors de la consultation de suivi systématique de l’enfant, des visites médicales scolaires, ou en cas de symptômes inhabituels.

Quels signes d’alerte doivent inciter à consulter ?

Tous les cancers de l’enfance ne présentent pas les mêmes symptômes, mais certains signes – même s’ils sont fréquents et banals – doivent pousser à consulter un professionnel de santé si leur persistance ou leur intensité interpelle. Voici les principaux dont il faut se souvenir :

  • Fièvre persistante sans cause apparente, durant plusieurs jours.
  • Pâleur, fatigue marquée, chute inexpliquée de l’énergie.
  • Perte de poids involontaire ou appétit franchement diminué.
  • Ecchymoses, saignements ou hématomes spontanés.
  • Maux de tête inhabituels et persistants, éventuellement associés à des vomissements.
  • Gonflement d’une région (abdomen, ganglions, membre) sans explication.
  • Douleur osseuse nocturne, sans traumatisme.

Il est important de préciser que la plupart de ces symptômes ont souvent une cause bénigne, notamment en période de croissance. Mais la persistance ou l’association inhabituelle de plusieurs signes justifie une consultation rapide (INCa).

La place des examens de dépistage ciblés chez l’enfant

Certains enfants bénéficient néanmoins d’un suivi rapproché :

  • Antécédent familial de tumeur rare ou syndrome génétique prédisposant (ex : syndrome de Li-Fraumeni, rétinoblastome héréditaire).
  • Enfants ayant reçu dans le passé des traitements type chimiothérapie ou radiothérapie pour une autre pathologie.

Dans ces cas particuliers et très ciblés, une surveillance clinique régulière, associée parfois à des examens spécialisés (IRM, échographie, biologie), peut être proposée dans des centres spécialisés (Hopital Robert Debré, Gustave Roussy…). Mais ce suivi n'est en rien assimilable à un dépistage de toute une population d'enfants.

Organisation du parcours de soins en Seine-Saint-Denis

Les enfants suivis à l’échelle locale sont orientés, le plus souvent, par leur médecin traitant ou pédiatre vers les services régionaux spécialisés :

  • Centres experts de l’AP-HP (Robert Debré, Trousseau, Gustave Roussy), faisant partie du réseau national d’oncologie pédiatrique (SFCE, Société Française de lutte contre les Cancers et leucémies de l’Enfant et de l’adolescent).
  • Consultations d’urgence en cas de symptômes préoccupants.
  • Accompagnement médico-social : la Seine-Saint-Denis bénéficie de dispositifs d’appui à la coordination (ex : dispositifs d’annonce du diagnostic, accompagnement psycho-social via la Maison des adolescents, réseaux de pédiatres de ville).

Il est important de souligner que le département partage avec d’autres territoires une diversité sociale et culturelle forte, qui peut retarder ou compliquer l’accès au diagnostic (barrières linguistiques, accès aux soins…). La mobilisation des professionnels de ville et de l’hôpital est donc essentielle.

L’importance du repérage précoce et du rôle de chacun

Même si la notion de dépistage systématique n’existe pas pour l’enfant, l’attention portée par les familles et les professionnels à chaque étape du parcours reste capitale. Le suivi régulier par le médecin traitant (généraliste ou pédiatre), les consultations de PMI (Protection Maternelle et Infantile), tout comme les bilans systématiques à l’école, sont autant d’opportunités de repérer ce qui ne va pas.

De plus en plus de structures locales proposent des informations et des temps d’échange pour sensibiliser les parents. Divers acteurs sont mobilisés :

  • Les établissements scolaires (personnels de santé scolaires, séances d’information aux familles)
  • Les réseaux associatifs du département, qui accompagnent les parents dans les démarches (La Ligue contre le Cancer, associations locales spécialisées)
  • Plateformes départementales d’information santé (Point Écoute, Centre d’Examens de Santé de l’Assurance Maladie, Maison des adolescents…)

Idées reçues : pourquoi la vigilance s’impose même quand on pense « c’est rare »

Dans l’imaginaire collectif, le cancer de l'enfant demeure une « maladie rare et lointaine ». Pourtant, chaque année, la Seine-Saint-Denis déplore plusieurs dizaines de cas diagnostiqués. Le diagnostic est souvent vécu comme une rupture violente : selon une enquête menée par le REGOP (Registre des cancers de l’Île-de-France), 12% des enfants recensés étaient hospitalisés en urgence pour des signes d’alerte mal interprétés au départ.

Beaucoup de familles rapportent aussi de premiers symptômes anodins, ayant persisté plusieurs semaines avant d’être pris au sérieux, notamment faute d’un relais médical régulier ou par peur de déranger.

Où s’informer en Seine-Saint-Denis : adresses et contacts utiles

Ce qu’il faut retenir sur le dépistage des cancers pédiatriques à l’échelle locale

Le dépistage organisé du cancer de l’enfant, au sens classique, n’existe pas en France ni en Seine-Saint-Denis. Cela ne signifie pas que l’on est impuissant : la clé reste la prévention secondaire, c’est-à-dire la reconnaissance rapide de symptômes inhabituels. Les consultations régulières, l’écoute attentive des familles, le relais entre écoles, PMI et médecins généralistes, permettent d’agir. La vigilance collective, une information adaptée et accessible, sont plus que jamais nos meilleurs outils pour permettre à chaque enfant de bénéficier sans délai des avancées médicales dont la France peut être fière.

Pour les familles inquiètes ou questionneuses, il ne faut jamais hésiter à solliciter une consultation en cas de doute. Chaque diagnostic précoce permet d’ouvrir des perspectives et d’optimiser le parcours de soins en Seine-Saint-Denis. L’information et la mobilisation locale sont donc, ici plus qu’ailleurs, des enjeux décisifs pour nos enfants.

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