Un cancer discret mais redoutable

Le cancer du pancréas, régulièrement qualifié de “tueur silencieux”, demeure l’un des cancers les plus redoutés et pourtant les moins médiatisés. En France, près de 15 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année (Santé publique France, 2023), mais ce chiffre a augmenté de plus de 3% par an entre 2010 et 2018. Le taux de mortalité, lui, reste très élevé : environ 90 % des personnes touchées décèdent dans les 5 ans suivant le diagnostic (INCa). C’est un constat alarmant, conférant à ce cancer un enjeu particulier en santé publique, y compris en Seine-Saint-Denis où la précarité et l’accès tardif aux soins majorent les difficultés.

Pourquoi le dépistage systématique n’est pas recommandé à ce jour

Contrairement à d’autres cancers (sein, colon, col de l’utérus), il n’existe aucun programme national de dépistage organisé du cancer du pancréas – ni en France, ni ailleurs à ce jour. Ce choix repose sur plusieurs réalités scientifiques et médicales :

  • La majorité des cancers du pancréas évoluent sans symptômes précis ou typiques à un stade précoce.
  • Les tests disponibles (imagerie, marqueurs sanguins) n’ont pas prouvé d’efficacité suffisante pour détecter précocement la maladie dans la population générale sans générer de faux positifs et de surdiagnostics.
  • L’absence, à ce jour, de traitement définitif ou de bénéfices avérés sur la survie globale même en cas de détection très précoce (source : HAS).
  • Un impact psychologique et médical non négligeable : examens invasifs inutiles, angoisse, complications.

Ainsi, l’Institut National du Cancer (INCa) et la Haute Autorité de Santé (HAS) se rejoignent sur ce point : le dépistage du cancer du pancréas n’est pas recommandé pour l’ensemble de la population.

Des groupes à risque pour lesquels la vigilance est renforcée

Si aucun dépistage systématique n’est proposé, il existe cependant des situations où une surveillance médicale renforcée peut être préconisée. On parle ici d’individus à risque élevé :

  1. Antécédents familiaux importants : les personnes avec plusieurs membres de la famille atteints d’un cancer du pancréas, notamment sur plusieurs générations.
  2. Prédispositions génétiques : mutation BRCA2, mutation du gène CDKN2A (syndrome familial de mélanome pancréatique), mutations du gène STK11 (syndrome de Peutz-Jeghers) ou de PRSS1 (pancréatite héréditaire), mutation PALB2 (source : Cancer.net).
  3. Pancréatite chronique et pancréatite héréditaire : exposition prolongée à une inflammation du pancréas, quel qu’en soit le motif.
  4. Diabète récent et inexpliqué après 50 ans : des études montrent que l’apparition d’un diabète parfois atypique peut précéder la découverte d’un cancer du pancréas, mais cela ne doit pas faire réaliser un dépistage systématique sans vrai facteur de risque.

Dans ces situations, une démarche de consultation avec une équipe spécialisée (gastro-entérologie, génétique médicale) peut aboutir sur une surveillance individualisée, à base d’IRM pancréatique ou d’échographie endoscopique en milieu hospitalier de référence (INCa).

Quels symptômes doivent alerter ?

La détection précoce du cancer du pancréas reste complexe car les symptômes précoces sont rares ou peu spécifiques. Toutefois, plusieurs signes doivent inviter à consulter rapidement :

  • Douleur persistante dans la partie haute de l’abdomen ou dans le dos
  • Jaunisse (jaunissement de la peau et des yeux)
  • Perte de poids inexpliquée
  • Fatigue inhabituelle et intense
  • Perte d’appétit, nausées
  • Apparition brutale d’un diabète, surtout après 50 ans, chez une personne sans surcharge pondérale notable

Il est très important de souligner que la majorité de ces signes ont le plus souvent d’autres causes moins graves, mais en leur présence, l’avis du médecin traitant est indispensable. Un diagnostic plus précoce améliore souvent la prise en charge, même si l'espoir d'une guérison complète reste rare (INCa).

Le défi du diagnostic en Seine-Saint-Denis

En Seine-Saint-Denis, les obstacles à un diagnostic rapide sont amplifiés :

  • Moins de médecins généralistes par habitant que la moyenne régionale (source : ARS Île-de-France ; près de 81 médecins/100 000 habitants contre 110 pour la moyenne nationale en 2022).
  • Population jeune mais forte précarité, avec un accès aux soins retardé dans certaines communes (Conseil départemental 93).
  • Moindre recours à la prévention et au suivi par manque d’information, de moyens, de temps ou encore à cause des barrières linguistiques et administratives.

Pourtant, il existe sur le territoire plusieurs structures hospitalières spécialisées, comme le Centre Hospitalier Intercommunal de Montreuil ou l’hôpital Avicenne à Bobigny, qui portent des programmes d’accompagnement et de prise en charge, y compris sur l’oncologie digestive.

Peut-on prévenir le risque de cancer du pancréas ?

Si l’on ne peut pas dépister précocement tous les cancers du pancréas, il est possible d’agir sur certains facteurs de risque avérés. Selon l’INCa, près de 30% des cancers du pancréas seraient liés à des expositions évitables :

  • Arrêt du tabac : fumer multiplie par 2 à 3 le risque de cancer du pancréas.
  • Limitation de l’alcool : corrélation avec la pancréatite chronique et les lésions pancréatiques.
  • Maintien d’un poids stable et d’une alimentation équilibrée : la surcharge pondérale, l’obésité abdominale et la consommation excessive de graisses animales augmentent le risque.
  • Prise en charge du diabète : suivie régulière du diabète, en particulier chez les personnes âgées.

La prévention individuelle, même sans possibilité de dépistage organisé, constitue donc un levier majeur, et particulièrement en Seine-Saint-Denis où les inégalités sociales de santé augmentent le poids de ces facteurs modifiables.

La recherche : quelles avancées à attendre ?

Le cancer du pancréas reste l’un des cancers pour lesquels la recherche est la plus active. Les équipes françaises participent à plusieurs études internationales sur de nouveaux marqueurs sanguins (comme la recherche de l’ADN tumoral circulant) ou l’imagerie de dernière génération (Institut Curie). Pour l’instant, aucune méthode de dépistage précoce suffisamment fiable et accessible n’est validée pour la population générale. C’est un espoir, encore en phase d’évaluation, qui pourrait transformer la stratégie dans les années à venir.

À retenir pour les habitantes et habitants de Seine-Saint-Denis

  • Le dépistage du cancer du pancréas n’est pas recommandé ni pratiqué de manière systématique en France, y compris en Seine-Saint-Denis, en dehors de situations individuelles à haut risque génétique ou familial.
  • Agir sur la prévention (tabac, alcool, alimentation, activité physique) demeure crucial.
  • En cas d’antécédents familiaux, de symptômes inhabituels ou de questions spécifiques, le mieux est de consulter son médecin traitant ou de s’orienter vers une structure hospitalière spécialisée du département.
  • La recherche avance, mais à ce stade, l’essentiel reste d’être informé, vigilant et soutenu sur son territoire.

Le défi du dépistage du cancer du pancréas en Seine-Saint-Denis est collectif : améliorer l’accès à l’information, orienter rapidement en cas de doute, renforcer la prévention. C’est en travaillant ensemble, patients, proches, professionnels et structures du département, qu’on limitera les pertes de chance face à ce cancer.

En savoir plus à ce sujet :