Pourquoi s’intéresser aux cancers digestifs dans le 93 ?

De nombreux habitants de la Seine-Saint-Denis connaissent peu les spécificités du dépistage des cancers digestifs, alors même que notre département présente certaines vulnérabilités. Les cancers du côlon, du rectum, et le cancer de l’estomac font partie des plus fréquents en France. Concernant le cancer colorectal, il touche chaque année environ 43 000 personnes en France. En Seine-Saint-Denis, le taux de participation au dépistage du cancer colorectal est inférieur à la moyenne nationale : selon Santé publique France, seulement 26,5% des habitants éligibles font effectivement le test (contre 33% au niveau national sur la période 2020-2021).

Pourtant, lorsqu’un cancer colorectal est détecté tôt, 90% des personnes peuvent être guéries (source : INCa, Institut National du Cancer). Parler du dépistage avec son médecin traitant n’est pas juste une “formalitié médicale” ; c’est souvent une étape cruciale, permettant de lever des peurs, d’obtenir des explications personnalisées, et de passer à l’action avec confiance.

Comprendre de quoi on parle : quels sont les cancers digestifs concernés par le dépistage ?

  • Cancer colorectal : seul cancer digestif pour lequel il existe un programme national de dépistage organisé pour les personnes de 50 à 74 ans sans risque particulier. Le test immunologique (test Hemoccult® jusqu’en 2015, puis test FIT) détecte la présence de sang occulte dans les selles.
  • Cancer de l’estomac, du pancréas, du foie, de l’œsophage : il n’existe pas à ce jour de dépistage organisé, seulement un dépistage individuel lorsque certains facteurs de risque ou symptômes sont présents.

Les modalités du dépistage, ses avantages et ses limites peuvent être difficiles à appréhender : c’est ici que l’échange avec le médecin prend tout son sens.

Pourquoi hésitons-nous à évoquer le dépistage lors de la consultation ?

Plusieurs freins, parfois inconscients, existent en Seine-Saint-Denis comme ailleurs :

  • Peur d’être jugé·e sur son hygiène de vie ou son suivi médical.
  • Manque d’information : beaucoup pensent que “ça ne les concerne pas” (“je n’ai pas de symptômes”, “je suis trop jeune”, “il n’y en a pas dans ma famille”).
  • Difficultés linguistiques ou culturelles, avec le sentiment que le sujet est tabou ou “honteux”.
  • Manque de temps en consultation, surtout quand d’autres problèmes de santé plus “urgents” semblent prioritaires.

Pourtant, le médecin traitant est le mieux placé pour expliquer, rassurer, adapter les recommandations à chaque histoire de vie.

Préparer la discussion : quelles questions poser à son médecin ?

Oser aborder le sujet du dépistage n’est pas toujours simple. Voici des exemples de questions concrètes à poser pour ouvrir le dialogue :

  • À partir de quel âge faut-il vraiment se faire dépister pour le cancer du côlon ?
  • Le dépistage est-il fait pour moi si j’ai un parent qui a eu un cancer digestif ?
  • Y a-t-il des symptômes à surveiller même si je me sens en bonne santé ?
  • Le test est-il fiable ? Y a-t-il des précautions particulières à prendre ?
  • Que faire si le test est “positif” ? Est-ce forcément grave ?
  • En cas de difficultés à faire le test à la maison, y a-t-il un accompagnement possible ou une autre solution ?

Comment se déroule concrètement la proposition de dépistage ?

  • Entre 50 et 74 ans : vous recevez (normalement) tous les deux ans une invitation, par courrier, pour réaliser le test immunologique à domicile.
  • Votre médecin traitant peut aussi, à tout moment, vous remettre un kit lors d’une consultation.
  • Le test est simple : il s’agit de prélever un échantillon de selles sur une plaquette (avec du matériel stérile fourni), puis d’envoyer l’échantillon au laboratoire grâce à une enveloppe pré-affranchie.
  • En Seine-Saint-Denis, certains dispositifs d’accompagnement existent, via des actions des centres de dépistage (CRCDC est le centre référent pour l’Île-de-France).
  • Si le test est positif, une coloscopie de contrôle est proposée. La majorité des tests positifs ne débouchent pas forcément sur un diagnostic de cancer.

Moduler selon son histoire : cas particuliers et populations à risque

Certaines situations nécessitent une adaptation du dépistage. Voici quelques exemples à discuter avec le médecin :

  • Antécédent familial de cancer digestif (parents, frères/sœurs) : le dépistage peut démarrer plus tôt, ou consister en des examens spécifiques.
  • Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (rectocolite hémorragique, maladie de Crohn) : suivi rapproché conseillé.
  • Antécédents personnels de polypes, cancers, ou antécédents chirurgicaux digestifs.
  • Population d’origine étrangère, parfois moins exposée aux campagnes de communication, alors même que certaines pathologies (par exemple cancer gastrique chez les personnes originaires d’Asie ou du Maghreb) peuvent être plus fréquentes.
  • Patients précaires ou ayant une couverture maladie incomplète : en Seine-Saint-Denis, le CRCDC, les CPTS (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé) ou certaines associations proposent un accompagnement spécifique.

Une consultation réussie : comment se sentir à l’aise et entendu·e ?

Voici quelques astuces, issues du terrain, pour rendre l’échange plus constructif :

  • Préparer sa visite : noter ses questions, apporter ses anciens résultats de dépistage si on en a.
  • Rappeler si besoin sa situation personnelle (antécédents familiaux, symptômes persistants…)
  • Ne pas hésiter à demander de reformuler, surtout si certains termes techniques ne sont pas clairs.
  • Demander du matériel d’information adapté : certaines brochures existent en plusieurs langues sur le site de l’INCa ou via le CRCDC.
  • Impliquer son entourage : selon la langue ou la culture, venir accompagné·e peut faciliter la discussion, dans le respect de la confidentialité et du droit à la parole individuelle.

Le particulier de la Seine-Saint-Denis : réalités, ressources et initiatives locales

Le département cumule plusieurs facteurs de risque (précarité, surpoids, difficultés d’accès au soin), mais aussi une forte mobilisation contre les inégalités de santé :

  • Le CRCDC Île-de-France propose des ateliers, des interventions auprès des associations, et des actions dans certains marchés ou centres sociaux.
  • Le Conseil Local de Santé Mentale, les PMI, les maisons de santé sont autant de relais pour obtenir une orientation ou une aide au dépistage.
  • Des dispositifs comme le “bus du dépistage” visitent parfois quartiers et marchés : renseignez-vous auprès de votre mairie ou pharmacie de quartier.
  • Les professionnels de santé du territoire sont formés pour répondre aux besoins particuliers du 93 (multilinguisme, adaptation culturelle, liens avec les structures sociales).

Même si la participation au dépistage reste trop faible comparé à la moyenne nationale, la Seine-Saint-Denis dispose de relais efficaces pour soutenir ses habitants. D’après le CRCDC, un rattrapage est toujours possible si vous avez manqué un test ou une invitation : il suffit d’en parler à votre médecin traitant, qui pourra vous orienter ou fournir un exemplaire du test.

Aller plus loin : ressources utiles et initiatives à connaître

  • INCa (Institut National du Cancer) : rubriques éducatives, brochures multilingues, explications sur les facteurs de risque et mots-clés du dépistage.
  • CRCDC Île-de-France : informations locales, liste des relais, coordonnées de contact en Seine-Saint-Denis, agendas de dépistages mobiles.
  • Associations locales : Ligue contre le cancer, Francas 93, Femmes Relais, qui organisent parfois des campagnes d’information ou des permanences en quartier.
  • Si vous avez des difficultés à lire ou à comprendre le français, des versions simplifiées ou traduites de beaucoup de supports existent.

N’hésitez pas à demander à votre médecin traitant des ressources adaptées, et à faire appel aux structures de proximité : l’objectif reste le même pour tous – détecter précocement, rassurer, accompagner dans la durée.

Faire du dépistage un acte banal et bienveillant : changer la perception ensemble

L’expérience montre que la clé d’un dépistage réussi ne dépend pas d’une “bonne” question médicale ou d’une connaissance exhaustive des statistiques : elle repose sur la reconnaissance de chacun dans son histoire, ses freins, ses traditions et ses espoirs d’avenir. En Seine-Saint-Denis, chaque échange avec un professionnel de santé, chaque kit de dépistage remis, chaque explication partagée, est un pas vers un diagnostic plus précoce, moins de souffrances, plus de vies sauvées.

Oser parler du dépistage des cancers digestifs avec son médecin traitant, c’est s’offrir la meilleure des protections possibles – et montrer à son entourage que prendre soin de sa santé, ici et maintenant, n’est jamais un acte anodin.

Sources :

  • Santé publique France – “Dossiers dépistages des cancers en France, édition 2023”
  • INCa – “Le dépistage organisé du cancer colorectal”
  • CRCDC Île-de-France – “Outils et supports pour le dépistage”

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